Contraintes légales
Comme tout contrat, les licences libres tirent leur force de la Loi : du droit d'auteur en premier lieu, et du contrat en deuxième lieu (puisque si le contrat a effectivement valeur de Loi entre les parties, c'est bien parce que celle-ci est inscrite dans l'article 1142 du Code civil).
Ainsi, il ne faut pas croire que les parties sont libres de s'émanciper des règles des dispositions légales susceptibles de leur être opposées. Tout au plus, le caractère gracieux de la plupart des exploitations permet de relativiser certaines obligations (notamment de garantie et de responsabilité), mais il faut néanmoins prendre en considération les Lois applicables.
Sommaire
Les qualifications tirées du droit d'auteur
Les parties ne pouvant a priori y déroger, il faut envisager les qualifications du droit d'auteur.
L'œuvre de collaboration
Il s'agit du cas le plus courant dans le domaine des œuvres libres : plusieurs auteurs créent ensemble une œuvre, chacun apportant sa pierre à l'édifice.
Juridiquement, l'œuvre de collaboration (L 113-2 CPI) est une œuvre dans laquelle sont ajoutés les apports de différents auteurs lors de sa conception — chacun de ces apports ayant concouru à la création. Tous les auteurs sont alors cotitulaires des droits sur l'œuvre finale et toute décision la concernant devra se faire à l'unanimité.
La collaboration peut être indivise lorsque les apports ne peuvent être détachés, et divise lorsqu'ils peuvent l'être, à la triple condition que l'exploitation isolée d'un apport ne porte pas atteinte à l'exploitation de l'œuvre commune.
Une politique cohérente est indispensable dans ce cadre de création, l'idéal étant que les auteurs se rejoignent sur une licence libre commune s'appliquant sur le tout comme sur leurs propres contributions. En effet, ils sont ici dans une situation confortable où les coauteurs sont déterminés et où une licence peut être choisie sereinement ; alors qu'une modification ultérieure sera rendue difficile par l'éventuel éclatement des contributeurs, et le consentement nécessaire de tous les nouveaux contributeurs.
L'œuvre collective
Une œuvre collective (L 113-2 et L 113-5 CPI) est une oeuvre qui réunie pluralité d'apports tout en étant in fine la propriété d'un seul, l'initiateur.
Cette qualification se retrouve donc lorsqu'une oeuvre est créée à l'initiative et sous la direction d'une personne, physique ou morale, et que la fusion des contributions entraîne l'impossibilité d'attribuer à chaque auteur des droits distincts sur l'ensemble.
Il s'agit de la seule hypothèse où une personne morale peut, en France, se retrouver auteur ab initio.
Cette qualification, si elle est intéressante pour les entreprises ou de manière plus générale pour regrouper tous les droits en une main, est en pratique très peu retenue en raison des critères stricts qui la définissent (l'œuvre étant alors qualifiée d'œuvre de collaboration).
Œuvres composites et œuvres dérivées
Il s'agit ici de deux qualifications qui, en droit, n'emportent logiquement aucune différence, mais qui sont utilisées finement par quelques licences libres pour adapter leur étendue.
L'œuvre composite
Elle est définie comme « l'œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière »[1], « l’œuvre composite est la propriété de l'auteur qui l'a réalisée, sous réserve des droits de l'auteur de l’œuvre préexistante »[2]. L'un des critères déterminants est la dépendance à une œuvre originaire, sans emporter pour autant modification de celle-ci.
L'œuvre dérivée
La notion légale se déduit de son contenu : « Les auteurs de traductions, d'adaptations, transformations ou arrangements des œuvres de l'esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l'auteur de l’œuvre originale. Il en est de même des auteurs d'anthologies ou de recueils d’œuvres ou de données diverses, tels que les bases de données, qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles »[3].
L'apport du second auteur est différent : il crée ici une nouvelle œuvre en s'appuyant sur l'ancienne. Dans le cas des logiciels FLOS, ce serait notamment une modification du code source d'un logiciel — pour l'adapter ou corriger des erreurs par exemple — ou une traduction du code en un autre langage.
- ↑ Article L 113-2 alinéa 2 CPI
- ↑ Article L 113-4 CPI
- ↑ Article L 112-3 CPI ; La définition américaine est par ailleurs assez proche de la nôtre : The Copyright Act, art 17 U.S.C. §101, « A “derivative work” is a work based upon one or more preexisting works, such as a translation, musical arrangement, dramatization, fictionalization, motion picture version, sound recording, art reproduction, abridgment, condensation, or any other form in which a work may be recast, transformed, or adapted. A work consisting of editorial revisions, annotations, elaborations, or other modifications which, as a whole, represent an original work of authorship, is a derivative work. »
Les dispositions légales liées à la distribution de l'œuvre
Toutes les licences ne couvrent pas les différentes hypothèses de distributions, et seules certaines licences libres de logiciel viennent préciser les modalités, qui concernent le logiciel (en tant que code objet et code source,) et sa licence. Il est ici nécessaire de se reporter à chaque licence (certaines licences viennent aussi encadrer les interfaces interactives des logiciels, comme la GNU GPL).
Néanmoins, d'autres obligations, légales celles-ci, viennent encadrer la distribution du logiciel.
En France, dès lors que l'activité est assimilée à du commerce électronique[1] la LCEN (Loi pour la Confiance dans l'Économie Numérique) impose une série de contraintes sur la façon dont il faut s'assurer du consentement du licencié :
- certaines informations doivent être communiquées, en ce qui concerne le concédant :
- nom et prénom pour une personne physique, ainsi que raison sociale pour une personne morale ;
- son adresse, courrier électronique, et numéro de téléphone ;
- en cas d'inscription au RCS : son numéro d'immatriculation, son capital social, et l'adresse de son siège ;
- son numéro individuel d'identification en cas d'assujettissement à la TVA ;
- en cas d'activité soumise à un régime d'autorisation, le nom et l'adresse de l'autorité ayant délivré celle-ci ;
- pour un membre d'une profession réglementée, les informations sur celle-ci.
- s'ajoute à ceci :
- un processus de contractualisation obligatoire pour ceux qui agissent à titre professionnel, et conseillé pour les autres[2]. Ainsi, l'accès au logiciel doit être conditionné, au minimum, à la lecture et à l'acceptation de ses termes :
- la licence doit être visible sur le site où est téléchargé le logiciel ;
- l'utilisateur doit cliquer sur un bouton exprimant son acceptation des termes[3] ;
- une nouvelle fenêtre doit s'afficher pour préciser qu'il télécharge soumis à une licence particulière, accompagnée d'une succincte présentation du logiciel ;
- le contrat est formé par la validation par un clic, du type « J'accepte ».
- ↑ Article 14 : « le commerce électronique est l'activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services »
- ↑ Article 25 LCEN, notamment 1369-1 CCiv
- ↑ du type « J'accepte les termes de la licence XXXXX dont j'ai pris connaissance »
Les contraintes liées à la personne de l'auteur
L'oeuvre d'un mineur
Principe
L'auteur est celui qui crée l'oeuvre originale : enfant, adulte, peu importe. La question est ensuite de savoir qui peut décider de la soumission de l'œuvre sous licence libre (ou tout autre contrat de droit d'auteur) : enfant ou représentant légal ?
La réponse est en deux temps : il convient en effet de distinguer droit moral et droit patrimonial...
En tant qu'auteur, le contrat est soumis à l'autorisation par écrit de l'auteur : c'est une disposition protectrice qui trouve sa source dans le droit moral de divulgation/destination de l'auteur.
Mais, en tant qu'incapable mineur, l'enfant ne peut pas exploiter son oeuvre (ou en disposer autrement) : c'est un engagement qui dépasse les seuls actes de la vie courante, et qui doit donc être confié à ces représentants.
Ainsi, pour mettre sous licence libre l'oeuvre d'un mineur (ou d'un quelconque incapable), il faut réunir les deux signatures : celle de l'auteur et celle de son représentant
Majeur en tutelle
L'application est vraisemblablement les mêmes en ce qui concerne les majeurs sous tutelle (et de leur tuteur).
Majeur en curatelle
Un majeur en curatelle peut librement consentir des licences sur ses créations (avec l'insécurité qui caractérise néanmoins sa situation, cesdits actes pouvant d'autant plus être par la suite annulés qu'ils sont considérés comme étant faits à titre gratuit...).